Lily ∞ Noam

Aujourd’hui avait été une journée bien chargée. Comme chaque jour, je m’étais levé aux aurores et était partie faire mon footing quotidien sur la plage. Après une bonne douche et un café, j’avais été travaillé. Et à partir de là, tout s’était enchaîné tout seul. La journée m’avait semblé passée tellement vite et pourtant j’avais l’impression de ne pas m’être posé une seule seconde. J’avais eu une réunion avec nos clients de Shangaï ce matin, un petit débrief avec mon frère ensuite, et puis je n’avais pas eu le temps de manger puisqu’il avait fallut que je m’occupe d’un souci informatique. Le pire moment de ce midi avait été quand l’informaticien m’avait regardé avec des yeux ronds en me disant « Alors là, je ne comprends pas monsieur Hope-Baxter ». J’avais donc contacté une autre boîte informatique, qui m’avait mis en attente, me donnant le temps d’avaler à la va-vite le sandwich que ma secrétaire m’avait très gentiment amené.

Et puis j’avais passé l’après-midi dans mon bureau à travailler, la tête baissée dans mes dossiers. Les seules fois où j’avais levé les yeux avaient été pour consulter les notes que ma secrétaire m’avait envoyées par mail. En milieu d’après-midi, cette dernière avait frappé à ma porte, disant qu’on m’attendait en salle de vidéoconférence pour le meeting de quinze heures avec les associés australiens. Et c’est au beau milieu de cette importante réunion que mon portable sonna. Je m’excusais auprès de nos interlocuteurs et m’isolais dans le couloir. « Noam Hope-Baxter, j’écoute […] Oh monsieur l’inspecteur, bonjour. Un problème ? […] Ma sœur ? […] Laissez-moi deviner, il s’agit d’Emily ? Evidemment. […] Quoi, maintenant ? C’est-à-dire que je suis en réunion là en fait […] Non non, ne la dérangez pas, je vais m’arranger, je serai là d’ici dix minutes. Merci. » J’avais raccroché et m’étais pincé l’arrête du nez « Mais c’est pas vrai bon sang ! » J’étais alors re-rentré dans la salle de vidéoconférence et avait posé la main sur l’épaule de mon frère avant de lui chuchoter à l’oreille « Emily fait encore des siennes, il faut que j’aille la chercher au poste, j’essaye de faire au plus vite. Continuez sans moi, on débriefera à mon retour. S’il est trop tard, je passerai chez toi ce soir. » Il avait hoché la tête imperceptiblement, aussi fatigué que moi du comportement de notre sœur. Je m’étais ensuite excusé auprès de nos interlocuteurs, évoquant un problème familial assez urgent mais sans gravité.

Et voilà comment j’en étais arrivé là, à me retrouver à me garer juste devant le commissariat en plein milieu de l’après-midi. En descendant de voiture, je soupirais et consultais ma montre, j’espérais que tout cela serait rapide. En entrant, je me dirigeais directement vers l’accueil, j’expliquais la raison de ma venue, on me dit alors que quelqu’un allait s’occuper de moi mais que je devais patienter. La secrétaire du poste de police m’emmena donc, tout sourire, vers une salle d’attente dans laquelle elle m’abandonna. En entrant, je vis un homme appuyé contre le mur du fond, une cigarette éteinte aux lèvres. Il y avait une vieille dame assise dans un coin, lisant un magazine people et une jeune femme assise contre le mur de droite, près des fenêtres. Je maudis Emily et me dirigeais vers un fauteuil lorsque je manquais de marcher sur un bracelet. Je le ramassais et mon instinct me conduisit directement jusqu’à la jeune femme. Je lui souris avant de déclarer à voix basse en lui tendant le bracelet : « Bonjour, excusez-moi mais je viens de trouver ce bracelet à l’entrée de la salle, ce ne serait pas le vôtre par hasard ? » Je restais planté debout devant elle et passait ma main dans mes cheveux. Je n’avais pas eu une seule minute pour me poser aujourd’hui et il fallait que je continue à me montrer généreux. Quel chic type je faisais franchement. Ma mère aurait probablement sourie, me disant combien je lui rappelais mon père à leur rencontre.

Lily ∞ Noam

Je devais avoir un bon instinct puisque la jeune femme prit le bracelet et me regarda ébahie. Je fis la moue, j’espérais qu’elle ne pensait pas que je lui avais volé. Nous étions dans un commissariat mais tout de même, je n’étais pas un criminel, ni même un voleur, loin de là. Une nouvelle fois, je maudis Emily de s’être encore fourrée dans une nouvelle galère. Qu’est-ce qu’elle pouvait être influençable parfois, elle était gentille mais elle avait le don de me mettre hors de moi. Qu’est-ce qu’on ne faisait pas pour sa famille. J’avais quand même quitté une réunion importante pour venir la chercher, et voilà qu’en plus on me faisait patienter avec des gens plus extravagants, voire même effrayant pour l’homme à la cigarette éteinte. La jeune femme à qui je venais de rendre le bracelet était vraiment très jolie, elle était châtain clair et avec de beaux yeux clairs. Je remarquais son jeune âge, elle ne devait pas dépasser les vingt-cinq ans d’après moi, et encore. Elle avait relevé les yeux vers moi après avoir récupéré son bijou et j’avais souris en passant ma main dans mes cheveux, geste à la limite du TOC chez moi. Elle avait alors eu cette petite mimique que la plupart des femmes avaient en ma compagnie. Je l’avais remarqué au fil du temps. Ce n’était pas pour me déplaire mais il arrivait parfois que ça me mette mal à l’aise en présence de femmes mûres, mais là, cette jeune femme était très jolie. Elle faisait partie de ces filles sur qu’il m’arrivait de me retourner dans la rue, ce qui faisait grogner Anna qui trouvait ça déplacé et animal. Je lui répondais à chaque fois que je trouvais ça plutôt normal de se retourner sur une jolie fille. Et à chaque fois elle me répondait un truc du genre « oui, parce qu’elles sont jolies de dos peut-être ? ». Ah Anna, elle était adorable ma meilleure amie, vraiment. Posant de nouveau mes yeux sur mon interlocutrice, je fis, malgré moi, une moue énigmatique.

Elle prit la parole, et une nouvelle fois la douceur de sa voix ne surprit. Elle me parla alors de son père et je fronçais les sourcils. A l’entendre parler, nul doute que son père devait être décédé. J’eus un pincement au cœur pour elle, perdre un parent ne devait pas être chose facile. Et puis je repensais à ma mère malade, pour rien au monde je ne voudrais connaître la perte d’un parent, de manière prématurée en tout cas. Elle avait la tête baissée et je crus un moment qu’elle avait rougit. Je souris, amusé. Elle avait l’air d’être gênée, comme ces personnes maladroites qui s’excusent toujours de trop parler. J’aimais beaucoup ce genre de personnes avec qui on pouvait jouer, et qui tombaient chaque fois dans le panneau, un peu comme ma petite sœur Loara. Elle se mit à rire, un rire nerveux mais très doux. Lorsqu’elle avoua, malgré elle, qu’elle était nerveuse, je me mordis ma lèvre pour ne pas rire. Soit elle était vraiment timide, chose qui me paraissait plutôt étonnant au vu de sa gestuel, soit c’était moi qui la rendait nerveuse. Elle finit par se détendre, je pris alors place à ses côtés. « Bonjour Lily, je m’appelle Noam. » Devant sa mine étonnée, je souris. « Je peux me décaler si vous voulez, mais vous devrez alors attendre votre tour toute seule. Je trouve ça plus sympa d’attendre à deux. Après libre à vous de choisir. » Mon sourire plein de malice vint illuminer mon visage, c’était plus fort que moi, j’aimais provoquer, taquiner. « Ça fait longtemps que vous attendez ? Je suis assez pressé et même si votre compagnie m’est forte agréable, une réunion m’attend. » Je lui jetais un coup d’œil à la dérobée. « En tout cas, votre père devait avoir de très bons goûts, ce bracelet est vraiment très joli. Mon instinct me trompe rarement. » Pour expliquer ma dernière phrase, je me penchais vers elle et chuchotais en regardant devant moi. « Ce bracelet ne me semble pas vraiment appartenir à la dame âgée là-bas, et encore moins au gars baraque du fond. » Je souris discrètement et me redressais, toujours les yeux plantés devant moi.

Lily ∞ Noam

Comme simple réponse à ma proposition de me décaler, elle avait juste hoché la tête, un peu raide. Un hochement de tête qui m’indiquait que la place à côté d’elle était libre, ou bien qu’elle s’en fichait. Elle était jolie quand elle était gênée, j’aimais mettre les gens dans l’embarras. C’était plus fort que moi. Je ne suis pas quelqu’un de méchant ou d’arrogant, je ne suis pas non plus vicieux, je suis très joueur et provocateur. C’est d’ailleurs la plus grande différence entre mon frère et moi, il n’est pas du tout pareil que moi, il est un peu plus réservé avec la gente féminine. Alors que j’avais toujours le regard vissé devant moi, je vis du coin de l’œil qu’elle secouait la tête pour me faire savoir qu’elle n’attendait pas depuis longtemps. J’hochais alors la tête. Si elle venait d’arriver, alors j’allais devoir attendre et ça me dérangeait vraiment beaucoup. Je ne suis pas quelqu’un d’impatient mais attendre dans une salle d’attente du commissariat pour récupérer la fille de mon beau-père et de ma mère, qui se rebelle, boit comme un trou et finit au poste en plein milieu de l’après-midi avait le don de m’énerver.

Elle plongea ses yeux dans les miens, ses yeux clairs mais tellement expressifs. Elle avait un regard doux qui montrait une personnalité explosive qui m’attirait beaucoup. C’était définitif, après l’avoir dévoré des yeux comme ça, j’avais envie de la connaître, j’avais envie d’en savoir plus sur elle, sur sa vie, ce qu’elle aimait, ce qu’elle voulait faire plus tard. Tout ce qui me permettrait de comprendre la signification de son regard. J’étais un mec romantique parfois, il m’arrivait d’accorder de l’importance aux petits détails tels que le regard. Lorsqu’elle rit, doucement comme pour se contenir je ressentis une sensation bizarre dans tout mon corps, un picotement bizarre, ou alors était-ce mon cœur qui battait irrégulièrement ? Je me sentais vraiment bizarre et mes mains étaient devenues moites. C’était la première fois que ça m’arrivait, je les essuyais donc discrètement sur mon pantalon, la jeune Lily ne remarqua rien, le regard fixé sur son bracelet qu’elle tripotait nerveusement. « Si votre maman est aussi jolie que vous, nul doute que votre père devait avoir de très bons goûts. » J’avais dit cette phrase à voix basse, je n’étais même pas sûr qu’elle m’ait entendu. Je m’étais mis à fixé ses petites mains quand un policier nous interrompu.

Un homme en uniforme entra dans la salle et appela une certaine madame Preston. Je regardais ma voisine qui regarda la vieille dame. Je regardais alors la vieille dame à mon tour, elle ne bougea pas et j’imitais ma voisine en fronçant les sourcils. Le geste de Lily me surprit beaucoup, c’était en réalité une jeune fille adorable et serviable. Je la regardais ébahi, elle n’avait rien à voir avec Emily. Ma sœur n’aurait pas bougé, elle serait restée à regarder le policier et a soupiré, mais Lily s’était levée d’elle-même, avant même que j’ai pu le faire. Elle avait eu le même reflexe que moi. Quand elle revint s’assoir près de moi, je ne la quittais pas du regard, un sourire bienveillant sur les lèvres. Elle interrompt ma cascade de compliments mentaux en me demandant pourquoi j’étais là. Elle venait de me tutoyer, presque personne ne faisait ça. Au travail, tout le monde me vouvoyait, c’était vraiment étrange venant d’elle, mais je ne dis rien à ce sujet. D’ailleurs allais-je lui dire la vérité à propos de ma sœur ? Mon nom risquait d’en prendre un coup, l’entreprise n’avait pas besoin de mauvaise pub comme ça. En même temps, elle n’avait pas l’air de m’avoir reconnu, alors je fixais mes chaussures et déclarais solennellement « Je viens chercher quelqu’un », en plein milieu d’une réunion urgente, finissais-je dans ma tête.

Je relevais ensuite les yeux vers elle. « Et vous, pourquoi vous êtes là ? Vous n’avez pas l’air d’une délinquante, vous venez chercher quelqu’un aussi ? » Elle faisait douce, mais comme on disait, il fallait se méfier des apparences. Elle avait un visage d’ange mais peut-être était elle un démon intérieurement, comme la petite Emily. J’allais dire autre chose lorsque deux policiers arrivèrent à peine une minute après l’autre. « Monsieur Wellington ? Veuillez me suivre s’il vous plaît ? ». Ils s’étaient déplacés à deux. Ce monsieur Wellington ne devait pas être facile vu la mine que les hommes en uniforme arboraient. Une fois qu’ils furent tous les trois sortis, je me retrouvais seul avec Lily. « Je commencerais à me méfier de vous s’ils viennent vous chercher à deux, comme pour lui. » avais-je dit en montrant la porte d’un signe de tête. Je fis ensuite la moue en consultant ma montre, et me frottais la barbe de mon autre main. J’envoyais un message rapide à Nolhan « ça risque d’être plus long que prévu, vous allez devoir finir sans moi je pense. N’oublies pas de parler de l’inflation des prix avec lui. » Mon frère comprendrait, je le savais. Je reposais ensuite mon attention sur Lily. « Bon, il n’y a plus que nous deux, et pour un bon moment à mon avis. » Je souris, ce n’était pas pour me déplaire.